Ostréiculture dans le delta du Sine-Saloum,
Sénégal. 2022
Seynabou Diatta, ostréicultrice du Groupement d'intérêt économique (GIE) "Yondiofo" du village de Nema Bah, arrondissement de Toubacouta, Sénégal. Janvier 2022
Les villages du delta du Sine-Saloum, vivent essentiellement de la ressource halieutique et de la culture d'huîtres. Depuis plusieurs années, ces activités tendent à se réguler afin de préserver la ressource et son écosystème.
Les ostréicultrices sont organisées en groupe d'une petite dizaine pour l'implantation et la récolte des huîtres dans les mongroves du Sine-Saloum. Seules les femmes pratiquent l'élevage et le ramassage des huîtres, tandis que les hommes pêchent le poisson. 80% de l'exploitation vivrière tout confondu au Sénégal est assurée par les femmes.
Seynabou Diatta, Présidente du GIE Yondiofo (Unies et solidaire en langue Sérère), traverse le bolong (bras d'eau entre les palétuviers) pour rejoindre le site d'exploitation. Créé en 1987, le Groupement d’intérêt économique (GIE) Yondiofo du village de Néma Bah a été légalement reconnu en 2008, avec comme présidente, Seynabou Diatta (à gauche). Ce groupement qui réunit près de 500 femmes du village travaille principalement dans les domaines de l’ostréiculture et du maraichage.
Pose de guirlandes dans les bolongs. La pratique en élevage est récente depuis environ 2008. Auparavant celle-ci se faisait directement aux pieds des palétuviers. Cette pratique nouvelle en élevage vise à accroitre le volume des récoltes et à freiner l'exploitation des pieds de palétuviers pour préserver l'écosystème de la mangrove. La surexploitation des pieds de palétuviers comme bois de chauffe a largement détérioré au fil des âges l'écosystème de la mangrove, seul rempart contre les assauts de l'océan et la salinisation des terres.
Installation pour l'élevage d'huîtres. La pratique en élevage est récente depuis environ 2008. Auparavant celle-ci se faisait directement aux pieds des palétuviers. Cette pratique nouvelle en élevage vise à accroitre le volume des récoltes et à freiner l'exploitation des pieds de palétuviers pour préserver l'écosystème de la mangrove.
Néanmoins, la récolte se fait encore aux pieds des palétuviers, mais réside de manière plus marginale. La cueillette d'huîtres serait pratiquée depuis le 5ème siècle dans le Sine-Saloum.
Les femmes du GIE "Yondiofo" haranguent et entonnent un chant très critique à la vue d'un pillard de bois de palétuvier, encore parfois utilisé pour le bois de chauffe. « Cette pratique est interdite, couper la mangrove consiste à tuer à petit feu toutes les espèces dans nos eaux, à ce rythme, la vie ne sera plus possible dans nos contrées », lance la vice- présidente du GIE, Gnima Diouf
Pillard de bois de palétuvier, encore parfois utilisé pour le bois de chauffe. Ces dernières années, sous l'urgence de préserver l'écosystème du Sine-Saloum, freurissent des initiatives visant à réimplenter des palétuviers et à permettre la régénération des ressources, notamment en respectant les cycles de reproduction.
Le GIE permet de tendre vers l'autonomisation des groupes de femmes ostréicultrices et maraichères des villages du Sine-Saloum. L’argent obtenu est souvent géré à travers une solidarité étonnante. « J’ai remis 300 000 Fcfa à ma collègue Gnima, pour lui permettre de construire une autre chambre pour y loger ses enfants. Ce qui représente ma part des dividendes tirées de la récolte de trois saisons. Elle aussi a fait pareil pour moi et j’ai pu construire une autre chambre pour mes enfants. Cette amélioration de nos conditions de vie nous la devons à l’ostréiculture qui nous a permis de mieux tirer des bénéfices de nos activités. Par le passé, chacune de nous dormait dans une seule chambre avec son époux et ses enfants », se rappelle Seynabou, âgée de 53 ans.
Recoltes d'huîtres sur les guirlandes. Ce proccédé implanté en 2008 permet de freiner l'exploitation des huîtres à même les pieds de palétiviers. « Depuis que nous avons commencé à pratiquer l’ostréiculture, nos productions ont augmenté. A la fin de la saison de l’exploitation des huîtres qui dure 7 mois, nous parvenons à avoir 7 tonnes 500kg d’huîtres fraiches. Une partie de ses huîtres est séchée. Séchée, l’huître peut être vendue à 6 mille Fcfa le Kg. Si nous déduisons les frais liés au transport dans des camions frigorifiques à Dakar et à la prise en charge de nos vendeurs d’huîtres fraiches aux Almadies, un quartier huppé de Dakar, la saison peut nous rapporter un bénéfice de 2 millions Fcfa », renseigne Seynabou Diatta, présidente du GIE.
La récolte d'huîtres élevées sur guirlandes est plus abondante que la récolte faite sur les pieds de palétuviers.
Le groupe de femmes du GIE "Yondiofo" chantent tout au long de la journée de travail. Les sujets abordés dans ces chants touchent au travail, à la vie des communautés et des familles, et à l'environnement: « … préservons la mangrove, elle assure la survie de nos espèces et nous assure des lendemains meilleurs ».
Chaque année, les femmes du GIE organisent des actions de reboisement pour assurer la régénérescence de la mangrove. L’organisation du GIE impose à chaque membre d’aller sur site trois jours sur sept pour la cueillette ou la pose de guirlandes et tous les quinze jours pour la maintenance des poses. Celles qui enfreignent sans motif valable des règles établies sont exposées à des sanctions consistant à des paiements de pénalités. « Les ressources tirées de ces eaux nous permettent d’être autonomes et c’est pour cette raison que nous ne badinons pas avec la discipline au sein du groupement », déclare la présidente.
Les femmes se regroupent pour décortiquer les huîtres collectivement.
Décorticage des huîtres.
Les huîtres sont bouillies afin d'être décortiquées, elle sont ensuite séchées au soleil et se destinent à la consommation locale et à la vente sur les marchés.
La vente d'huîtres fraîches n'est pas encore d'actualité à Nema Bah. Les problèmes liés à la chaine du froid empêchent la vente des produits frais. Ici les coquillages sont déshydratés pour pouvoir être conservés et vendus. Le GIE Yondiofo manque de tout matériellement. Il n'y à pas de dispositif permettant le séchage au delà d'un drap disposé sur une natte.
Groupement d'intérêt économique (GIE) ostréicole "Yondiofo" du village de Nema Bah, arrondissement de Toubacouta, Sénégal. Janvier 2022
Seynabou Diatta (à gauche), Présidente du GIE Yondiofo, et Gnima Diouf, Secrétaire générale du GIE. Le poste de santé de Némah Bah a été fermé depuis quatre ans faute d’un infirmier d’Etat. Gnima Diouf, membre du GIE est aussi la présidente du comité de Santé du village, met tout en œuvre pour économiser suffisamment d’argent pour pouvoir payer un infirmier d’Etat. « Le médecin chef de district nous a dit qu’il pouvait nous aider à trouver un infirmier chef de poste et qu’il pourra prendre en charge la moitié de son salaire c’est-à-dire 150 mille Cfa et à nous de nous occuper du reste. Au GIE, nous sommes en train de faire des économies pour cela », déclare Gnima. Pour l'heure, pour accoucher les femmes sont obligées de rallier par charrettes les localités de Toubacouta, Santangba et Néma Nding, situées à plus de 4km.
Comptage de coquillages sur le banc de sable de Sandicoly, Sine-Saloum, Sénégal. Janvier 2022.
Un groupe d'étudiants de l’Institut universitaire de pêche et d’aquaculture de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Etudiants en master et thèse, le professeur Alassane Sarr dirige une étude commandée par la FAO sur la gouvernance des pêcheries. « Il a été constaté que le repos biologique n’est pas harmonisé dans le delta du Saloum. Presque chaque localité observe son propre repos biologique, ce qui n’est pas bon. Avec le mode de reproduction de la plupart des coquillages, il urge d’harmoniser pour avoir une seule période de repos biologique profitable à tous », a expliqué le professeur.
Il est difficile de quantifier le nombre d’huîtres exploitées dans le delta du Saloum. En effet, les débarquements ne sont pas répertoriés tant les ostréicultrices s’adonnant à cette activité de collecte se retrouvent dans plusieurs endroits à la fois. La tâche est rendue impossible aux agents des comités locaux de pêche.
Alassane Sarr (premier plan), spécialiste du delta du Saloum et directeur de l’Institut universitaire de pêche et d’aquaculture de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Accompagné de ses étudiants en master et thèse, le professeur dirige une étude commandée par la FAO sur la gouvernance des pêcheries. « Il a été constaté que le repos biologique n’est pas harmonisé dans le delta du Saloum. Presque chaque localité observe son propre repos biologique, ce qui n’est pas bon. Avec le mode de reproduction de la plupart des coquillages, il urge d’harmoniser pour avoir une seule période de repos biologique profitable à tous », a expliqué le professeur.
Les coquillages (Huîtres, Arche…) sont la principale source de revenus des femmes dans le delta du Saloum. Aujourd’hui, avec la raréfaction du poisson sur les côtes sénégalaises, les hommes se mettent de plus en plus à la cueillette d’huîtres. Ce qui inquiète les femmes, car les hommes disposent de pirogues motorisées, donc de plus de moyens qu’elles et aussi plus néfastes à l'environnement. Les huîtres sont si rentables qu’elles attirent tout le monde dans le delta du Saloum. Ramassage de coquillages sur le banc de sable de Sandicoly, Sine-Saloum, Sénégal. Janvier 2022.
Sukuta, Sine-Saloum, Sénégal. Janvier 2022
Tas de coquillages d'huîtres sur le centre de traitement des produits halieutiques de Sukuta, Sine-Saloum, Sénégal. Janvier 2022
Détroquage des huîtres destinées à l'élevage. Pour être élevées en guirlandes, les huîtres doivent être triées et séléctionnées pour que les essaims viennent s'y fixer. Coopérative des producteurs de la vallée de Dassilame Serere, Sine-Saloum, Sénégal. Janvier 2022
Basées dans le village de Dassilame Sérère au Sénégal, les ostréicultrices de l’association inter-villageoise de développement (AIVD) récoltent depuis des années des huîtres provenant de l’estuaire du Saloum. Ce site est le seul dispositif au Sénégal a être agréé. Il recoit, entre autre, des financements du FIDA pour la mise en œuvre et l'élaboration de la chaine ostréicole. La coopérative permet de créer des richesses et permet la mise en œuvre de pratiques plus respectueuses de l'écosystème de la mangrove. Coopérative des producteurs de la vallée de Dassilame Serere, Sine-Saloum, Sénégal. Janvier 2022
En 2008, le site de Dassilame Serere est le premier à avoir mis en place l'élevage en guirlandes. Il est devenu impératif de freiner les efforts de production dans le bassin versant pour réduire la pression sur la ressource. C’est ainsi que l’ostréiculture a été introduite et parallèlement, des activités de maraichage sont pratiquées sur une superficie de 13 ha. L’horticulture et le maraichage ont toujours été développés dans cette partie du Sénégal. Coopérative des producteurs de la vallée de Dassilame Serere, Sine-Saloum, Sénégal. Janvier 2022
De nombreux professionnels et groupes d'ostréicultrices du Sénégal et de Gambie, viennent visiter le site et apprendre cette technique d'élevage.
Elevage d'huîtres en sacs à plat. Les sacs sont plusieurs fois retournés pour favoriser la croissance. Ramenées sur site et triées, les huîtres sont transférées à une densité plus faible pour qu'elles puissent encore grossir.
Fatou Thior, 58 ans, membre de la coopérative des producteurs de Dassilamé Sérere.
Diakher Diatta, 45 ans, membre de la coopérative des producteurs de Dassilamé Sérère.
L’association inter-villageoise de développement (AIVD) a été la première organisation ostréicole à implanter la culture de l'huître en élevage. Le but étant de réduire la pression sur l'écosystème de la mangrove et à stopper la coupe des pieds de palétuvier. La mangrove empêche la salinisation des terres arables du Sine-Saloum, ainsi que de tous les litorraux du Sénégal. Sa surexploitation représente un danger pour l'autonomie alimentaire du Sénégal. En parallèle l'AIVD fait tout le possible pour sensibiliser la population locale sur les danger de l'utilisation de pesticides et d' intrants sur les cultures maraîchères sur tout le bassin versant. Coopérative des producteurs de la vallée de Dassilame Serere, Sine-Saloum, Sénégal. Janvier 2022
L'exploitation traditionnelle à même les pieds de palétuviers se pratique encore, mais réside de manière marginale. L'élevage en guirlandes et en sacs datent seulement de 2008.
L'exploitation traditionnelle à même les pieds de palétuviers se pratique encore, mais réside de manière marginale. L'élevage en guirlandes et en sacs datent seulement de 2008.
La vase rend très fastidieuse la récolte à même les palétuviers.
L'exploitation traditionnelle à même les pieds de palétuviers se pratique encore, mais réside de manière marginale. L'élevage en guirlandes et en sacs datent seulement de 2008.
Coopérative des producteurs de la vallée de Dassilame Serere, Sine-Saloum, Sénégal. Janvier 2022
